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Roger Bouchard : Le barbier de Saint-Félicien prend sa retraite après 65 ans

Janick Émond
Le 07 août 2020 — Modifié à 21 h 21 min le 07 août 2020
Par Janick Émond - Journaliste

Quel homme de Saint-Félicien ne s’est pas fait couper les cheveux par Roger Bouchard? Après 65 ans de carrière, le barbier de 85 ans a rangé ses ciseaux.

«Ç’a été une belle carrière, mais il faut bien se décider à s’arrêter. J’ai fait le plus beau métier du monde qui m’a permis de rencontrer des gens extraordinaires. J’ai appris beaucoup grâce à mes clients », relate l’homme, quelques jours après avoir coupé les cheveux à son dernier client.

Fils de cultivateur, c’est après avoir travaillé un an dans un chantier qu’il a décidé de suivre un cours de barbier.

« Le 22 février 1955, à 20 ans, je prenais le train pour la première fois de ma vie pour me rendre à Montréal pour suivre un cours de six mois. Pour se pratiquer, on coupait les cheveux à des robineux. On allait aussi couper les cheveux dans les foyers et on recevait 25 cents de la coupe. J’ai travaillé quelque temps à Montréal puis j’ai travaillé dans un salon à Jonquière. »

En 1957, il est engagé par Rosaire Taillon qui possède un salon sur le boulevard Sacré-Cœur à Saint-Félicien. Il y travaille quelques années. À cette époque, le prix pour une coupe était de 1,75$.

À son compte

C’est en 1965 que Roger Bouchard décide d’ouvrir son propre salon. Il achète une maison sur la rue Saint-Jean-Baptiste et y installe sa fameuse chaise qui a vu tant de têtes défiler.

« Ils avaient annoncé l’ouverture de l’usine Kruger. Je me suis dit que ça amènerait du monde et qu’il manquerait de barbiers. Je me suis dit, je vais ouvrir avant qu’un autre le fasse. Mon premier client a été Jean-Marc Verreault. »

La clientèle augmente et une opportunité d’affaires se présente. George Potvin qui possède la tabagie sur le coin de la rue est à vendre. Roger Bouchard et sa femme Rita Rivard, qui assure l’administration du salon, décident d’acheter le commerce.

Ce qui deviendra en 1974, la célèbre Tabagie chez Roger. À l’arrière, on y aménagea le salon. Les deux commerces sont toujours existants aujourd’hui. La tabagie est opérée par un des quatre enfants du couple, Karl et le salon par Nathalie Pilote.

COVID précipite la retraite

Face à la demande, Roger Bouchard a ajouté deux chaises pour accueillir deux autres barbiers ou coiffeuses.

« Je n’ai pas compté combien j’ai pu faire de coupes dans ma vie! Je n’ai jamais voulu changer de métier, j’aimais ça. Je tenais à offrir un excellent service à la clientèle et j’adorais parler avec les gens. »

C’est l’arrivée de la COVID qui l’a un peu incité à prendre sa retraite.

« Depuis quinze ans, je ne coupais les cheveux que le samedi, mais là couper les cheveux avec un masque ça ne me tentait pas ben ben. Ç’a précipité ma décision, car j’aimais encore ça! »

On n’hésitait pas à se confier sur la chaise du barbier

Au cours de toutes ces années, Roger Bouchard a reçu de nombreuses confidences. De l’annonce d’une maladie grave à une séparation en passant aux conseils en affaires, il portait une oreille attentive à ses clients.

« Il y a beaucoup de choses très personnelles qu’on m’a confiées. Des fois, c’était même surprenant.  Le plus dur c’est quand un client t’annonce qu’il a un cancer, ça brise le cœur. Tu l’écoutes, car il a besoin de parler », confie-t-il.

Nombreux sont ceux qui ont confié leur peine d’amour. « Je leur disais, ne t’en fait pas ça va passer, ça va durer quelques mois. Et j’avais souvent raison », lance t-il en riant.

À plusieurs occasions, il s’est déplacé dans les résidences privées ou même à l’hôpital pour « faire » les cheveux à des hommes en fin de vie.

Il se remémore d’avoir coupé les cheveux pour Jean-Paul Darveau avant qu’il se rende chez un photographe à Chicoutimi pour une photo officielle. C’est quelque temps plus tard qu’il a eu son accident d’avion. « C’est cette photo qui a été utilisée pour l’avis de décès ».

Réussite familiale

Derrière la carrière de Roger Bouchard se cache une réussite familiale.

« Sans ma femme et mes enfants, nous n’aurions pas réussi si bien en affaires. »

Discrète, Rita Rivard s’est occupée de la gestion des commerces et bâtiments appartenant à la famille. Aussi, leurs quatre enfants ont travaillé à un moment ou un autre dans l’entreprise familiale.

En effet, la tabagie a connu un très gros achalandage pendant plusieurs années. Il s’agit de l’un des plus vieux commerces toujours actifs au centre-ville de Saint-Félicien.

À l’époque, il y avait un comptoir-lunch et un terminus d’autobus a été construit à l’arrière de l’immeuble.

« Nous avons connu de très bonnes années. C’était très achalandé. Ç’a ralenti, mais depuis quelques années on sent que ça reprend de la vigueur au centre-ville », confie Rita Rivard, éternelle complice depuis 62 ans.

 

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