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Chers opposants au projet de mini-centrale hydro-électrique de la Rivière Ouiatchouan, ceci est une lettre ouverte qui consiste, non pas à vous faire changer de position ou pour vous convaincre de quoi que ce soit dans ce dossier, votre opinion est connue, criée et visiblement définitive. Soit.
Maintenant, quoi faire? On désinforme la population, on salit la réputation du site, on boycotte et on suggère à tous de faire de même? Mon point de vue est très subjectif, j’y travaille depuis dix ans. Je connais parfaitement le site physique, son histoire, sa chute, son architecture, ses saisons, ses splendeurs, ses humeurs et aussi ses couleurs et ses odeurs. Je suis certaine que cet aspect ne fait pas partie de vos préoccupations, mais est-ce que quelqu’un a pris la peine de se demander comment pouvait se vivre ce conflit de l’intérieur? Au-delà des aspects économiques, écologiques, symboliques ou sentimentaux, la dimension humaine est souvent ignorée. Vous aimez verser dans la sentimentalité? Avec comme ultime argument votre amour nouveau (les plus fervents opposants ne mettent à-peu-près jamais les pieds sur le site) et magnifié de la chute?
J’y travaille. J’y passe la plupart de mes journées de congé pour transmettre cet indicible attachement à mes enfants. J’aime passionnément tout ce qui lui donne son caractère unique; son décor enchanteur, son ambiance inexplicable, ses maisons remplies du souvenir des habitants d’antan, ses personnages, son vieux moulin, son restaurant, mais aussi, son personnel employé et administratif qui, quoique vous en pensiez, n’ont qu’un seul objectif, la survie de ce site touristique incontournable, témoin d’un passé moderne exceptionnel et industriel régional.
En dix ans, nous avons traversé un lot de difficultés, manque de budget, coupures de personnel, perspectives d’avenir peu encourageantes…
Propos démagogiques et blessants
Malgré tout, on a réussi l’exploit de ressusciter ce village moribond à coups de subventions redistribuées à divers entrepreneurs de la région et par d’habiles rénovations, toujours effectuées dans le respect des ancêtres, des bâtiments, de l’esprit et de la mission de conservation que s’est donnée l’entreprise. Pour que ce produit redevienne concurrentiel, on a travaillé au niveau de la restauration des équipements, de l’interprétation historique, de la formation continue des employés afin de former une équipe de professionnels motivée, aux standards de qualité élevés, impliquée émotivement et concernée quand il y va d’une réputation chèrement gagnée.
Certains commentaires dans les médias et sur les réseaux sociaux sont extrémistes, démagogiques, faux et parfois blessants quand on connaît un peu mieux le passé récent de Val-Jalbert. Personne pour s’indigner quand des sites touristiques, générateurs de retombées économiques agonisent et ferment par manque de financement? Pas de coalition pour appuyer les travailleurs saisonniers, pourtant très nombreux au Saguenay-lac St-Jean, victimes de la réforme de l’assurance-emploi?
-Modifier le débit de cette majestueuse chute pour assurer une poignée d’emploi? « Bah…ça ne vaut pas une chute! »
-Pour générer des profits? « De l’argent? Sacrilège! »
-Pour dynamiser l’économie régionale? « Même pas vrai, seulement certains s’en mettront plein les poches! »
-Pour utiliser une ressource naturelle disponible et durable? « Trahison, ne touchons pas à nos richesses! »
-Pour la vitalité d’un site historique et touristique? « Le barrage fera fuir les touristes! »
Non, chers opposants, en continuant de la sorte, ce sont vos méthodes de contestation qui feront fuir les touristes. Une mauvaise année, une chute d’achalandage et nos emplois redeviennent précaires et incertains. Je vous demande seulement de réfléchir et de cesser de traiter avec condescendance et ironie ceux dont l’opinion favorable à ce projet vous semble insensée, mercantile ou égoïste.
Les raisons d’être « pour » sont tout aussi valables que celles d’être « contre ». Sauvez « votre » chute, mais dans un site fermée, il n’y aura plus personne pour l’admirer.
Mélanie Tremblay, Roberval
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