Religieuse à 32 ans : Sœur Karine Fortin se raconte

Par Daniel Migneault
Religieuse à 32 ans : Sœur Karine Fortin se raconte

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Que faites-vous dans la vie? Je suis religieuse. En 1930, ça allait, mais en 2010, c’est tout de même particulier de répondre cela à 32 ans. Pourtant, Karine Fortin est très fière d’avoir choisi le voile, d’avoir choisi de consacrer sa vie à Dieu.

Consciente d’être une rareté au Québec, la jeune femme, originaire de Roberval, témoigne des raisons qui l’ont motivée à prendre définitivement cette voie qui l’a menée à vivre à titre de Sœur Augustine à Dolbeau-Mistassini. Ses parents, Raymonde Bélanger et André Fortin, ont dû accepter son choix. « Pour ma mère, ce fut moins ardu. Mon père a eu davantage de difficultés. Je suis fille unique et mon choix lui enlève la chance d’être grand-père. Il me voit heureuse et il accepte de plus en plus chaque jour. Je comprends sa réticence », a confié Sœur Karine d’entrée de jeu.

Un chemin tortueux

Sœur Karine ne s’est pas levée un bon matin en se disant qu’elle serait religieuse. Ce fut un long cheminement, des années de mûres réflexions, de mal-être et d’incertitude. « Après mes études secondaires, je suis rentrée dans l’armée pour aller étudier au Collège militaire de Kingston en Ontario, à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Chiliiwack en Colombie-Britannique. J’étudiais comme ingénieure en génie mécanique », a-t-elle expliqué.

 

Elle n’a pas terminé ces études-là : « Après deux ans et demi, je suis ressortie de l’armée pour plusieurs raisons, mais surtout parce que ma vue avait baissé et que je ne pouvais plus exercer mon métier d’ingénieure qui ne m’intéressait d’ailleurs pas le moins du monde. Aussi, on a refusé que je devienne infirmière », a raconté Sœur Karine.

 

Aujourd’hui, grandement instruite, autres ses sciences infirmières au cégep et à l’université, elle est en train de terminer une maîtrise pour ensuite compléter un doctorat par la suite.

Tout ne fut pas facile…

Le désir d’entrer en congrégation n’est pas né du jour au lendemain : « Disons que la toute petite étincelle s’est allumée quand j’ai commencé à travailler pour les Augustines de Roberval qui avaient besoin d’une préposée aux bénéficiaires pour les chiffres de nuit. J’étais alors au Cégep. Je ne dis pas que c’est là que j’ai connu des religieuses, car plusieurs d’entre elles s’étaient occupées de ma mère qui était malade et j’ai aussi quatre grand-tantes qui sont religieuses », a précisé Sœur Karine.

De fil en aiguille

Le désir de devenir religieuse s’est développé et a pris forme avec l’idée que Karine Fortin avait de vouloir faire de l’aide humanitaire : « Quand j’ai travaillé chez les Augustines, je suis allée, pendant quatre mois, dans un dispensaire au Paraguay. J’ai adoré, mais encore là, je n’avais pas trouvé ma voie. Je me disais qu’il y avait assez de gens à aider ici, dans ma région. J’insiste, l’idée de devenir sœur ne m’effleurait pas une seule seconde », précise-t-elle.

 

Dans les mois qui ont suivi ce voyage, elle réalisait que tout ce que qu’elle vivait n’avait pas de sens : « Le Paraguay m’avait fait goûter à une partie de ce qui me manquait. Aussi, pendant ce voyage et après mon retour, les Sœurs me disaient que ma voie était peut-être celle de la communauté religieuse. Je leur répondais non, tout de suite, sans hésiter », a-t-elle lancé.

Vie de couple

Il faut préciser, pendant ces années-là, que Karine Fortin a vécu en couple pendant deux ans : « Je n’étais jamais contente de ce que j’avais. Je ne voulais pas un enfant, j’en voulais vingt. Je trouvais qu’un seul, ce n’était pas assez à aimer. Nous nous sommes quittés d’un commun accord. Mon conjoint sentait bien mon malaise qui prenait toute la place », a témoigné la religieuse.

 

Le jour de la décision finale est le fruit d’un très long cheminement. Formation avec les religieuses, six mois à être aspirante, périodes d’observation et postulat : « Le postulat est un peu comme le premier « oui » qu’on prononce et on devient alors autorisé à entrer dans la communauté pour vivre comme les Sœurs. Après le postulat, c’est le noviciat. On évolue alors dans les règles de la vie religieuse, mais même si j’ai vécu là pendant deux ans, je n’étais pas certaine encore », a-t-elle ajouté.

 

C’est lors de son transfert de Roberval à Dolbeau, là où il y avait des jeunes femmes comme elles, qui marchaient dans la même direction qu’elle, que sa certitude s’est confirmée : « Si je n’avais pas rencontré ces femmes, j’aurais quitté la vie religieuse », a-t-elle avoué.

 

Rendue à Dolbeau, elle a vécu une période d’intégration qui lui a plu et c’est là qu’elle a enclenché ses démarches personnelles pour faire sa profession et ses premiers vœux en 2006, à l’âge de 28 ans.

 

Aujourd’hui, sa communauté, les Augustines de Dolbeau-Mistassini, là où elle s’active tous les jours, est toute jeune et a pour mission de travailler en santé mentale.

Regrets?

Si elle regrette? « Non, c’est mûri. Aussi, ma première demande pour faire mes vœux a été refusée. Je présume qu’on croyait que je n’étais pas prête et ce refus a été bon pour moi », s’est-elle rappelé.

 

Si le mariage avec un homme lui manque? « Quand j’étais enfant, j’y rêvais, mais mes deux années de vie de couple et le vide que je ressentais alors me confirment des choses. Je ne me questionne plus. Je ne m’ennuie pas de la présence d’un homme. Je suis comme une femme qui apprécie son célibat », a affirmé Sœur Karine.

 

Cette jeune religieuse, qui préfère porter l’habit, conclut en racontant sa belle vie au quotidien : « Non, on ne se lève pas à 4 heures du matin. Il faut briser les mythes et les tabous. Nous vivons une très belle vie. On y va avec la logique et on respecte le plus possible la vie de la communauté pour les heures de prières et de messes. Je suis tout à fait et totalement heureuse », a-t-elle terminé toute souriante.

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