Mardi, 10 décembre 2024

Chroniques

Temps de lecture : 3 min 1 s

Indignation solidaire

Le 29 août 2024 — Modifié à 08 h 00 min le 29 août 2024
Par Stéphanie Gagnon

J’avoue m’être beaucoup questionnée avant de publier ma chronique de la semaine dernière « Ces charognes qui nous entourent » où j’ai raconté la mésaventure que j’ai vécue, un soir où j’ai été droguée à mon insu.

Je ne m’attendais pas à une telle abondance de témoignages. Vous avez été plusieurs à me faire part de vos propres histoires, à me signifier votre support, à nommer votre colère.

Cette vague de solidarité est un baume au coeur, et démontre que la conscience collective est bien vigoureuse. Pourtant, malgré cette indignation commune, je continue de me sentir frustrée. Comment se fait-il qu’alors que tant de voix s’élèvent pour crier « ça suffit », ces crimes continuent de polluer nos sociétés depuis des années ? Comment se fait-il que les premiers intervenants semblent souvent démunis face à cette situation ? Pourquoi le système de justice laisse les charognes s’en tirer presque impunément ?

Le fardeau revient malheureusement principalement aux victimes qui, comme si ce n’était pas assez, sont confrontées à un système qui les décourage, qui remet leur crédibilité en question, qui minimise ce qu’elles ont vécu.

L’indignation est omniprésente, et forte ! Mais l’action se heurte à des instituions paralysées. Dans une société où trop souvent on décourage les victimes en remettant leur crédibilité en question, en minimisant ce qu’elles ont vécu, comme si c’était pas déjà assez tough d’être passée par là.

Je veux des changements réels. Je veux qu’on en parle. Je suis chanceuse, j’ai une tribune pour ça. Toutes les victimes n’ont pas l’opportunité d’en parler aussi librement et à grande échelle. Ça m'émeut que vous répondiez autant. 

Vous avez eu envie de parler aussi. Je vous laisse la parole.

« Il m’est arrivé une expérience similaire. J’ai trouvé que les policiers manquaient d’outils pour m’aider. Je me suis sentie jugée, humiliée même. Comme si j’avais couru après. Ça fait plusieurs mois et je ne m’en remets pas. »

« Je suis allé chercher ma fille dans un bar. Heureusement, le propriétaire me connait et m’a téléphoné quand il a vu que quelque chose clochait avec ma fille. Vous ne pouvez pas vous imaginer la colère d’un père quand il apprend que sa fille a été droguée.»

« Merci d’avoir parlé de votre histoire. Ça m’est arrivé et je n’ai pas été capable d’en parler à personne. Ça m’a fait du bien de vous lire et je me sens moins seule avec mon histoire ».

« Ces charognes, comme vous dites, sont plus nombreuses qu’on pense ! Elles n’ont pas de scrupules et s’en prennent indifféremment à des inconnues comme à des proches. Ça prend des peines exemplaires mais on assiste qu’à des sentences bonbon. C’est enrageant. »

« J’ai mal à ma condition d’être un homme quand je lis des choses pareilles. Vous avez raison, des vrais hommes, ça n’agit pas comme ça. Il faut être un parfait sans-couille pour se comporter aussi indignement. »

« Je ne sors plus dans les bars, ni dans les festivals ou rassemblements publics. J’ai la peur au ventre depuis que j’ai été violée il y a 4 ans. Je n’en garde aucun souvenir, mais je me sens sale, souillée, et j’ai perdu confiance en la vie. Je me demande si ça va encore m’arriver. Si c’était le cas, je ne m’en remettrais pas ».

« Merci de porter publiquement votre agression. J’espère que ça incitera d’autres personnes à parler. Quand on vit des choses comme ça, on a honte, et il ne faut pas.»

« Des récits comme le vôtre, ça me glace le sang. Que je ne tombe jamais sur un de ces individus. »

« Ma sœur n’a pas eu votre chance. Elle s’est retrouvée dans un boisé, blessée et abusée. Elle a fait des thérapies, mais jamais elle ne s’en est remise complètement. Ça l’a détruite, et notre famille avec ».

« Bravo de porter cet enjeu publiquement. Toutes les femmes méritent le respect, et c’est une responsabilité collective de veiller à ce qu’elles soient en sécurité ».

Éradiquer des charognes, ça ne se fera malheureusement pas du jour au lendemain. Et la lutte ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des potentielles victimes. J’aime rêver d’une vigilance partagée, où les regards ne se détournent pas quand une situation semble suspecte.

Intervenez. Questionnez. Offrez votre aide.

Et si une victime vous fait assez confiance pour vous parler, de grâce, ne la laissez pas tomber. Écoutez-la. Ne la jugez pas. Ça se peut que les prochaines semaines soient tough à passer pour elle. Répondez présent.

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