Chroniques

Temps de lecture : 2 min 2 s

À chacun ses combats

Serge Tremblay
Le 02 mars 2023 — Modifié à 15 h 40 min le 02 mars 2023
Par Serge Tremblay - Rédacteur en chef

Jasette de la gazette

J’écris ces lignes un 28 février après un marathon de 28 jours pour exorciser mes démons. Le premier mars ne saurait arriver assez rapidement pour enfin me permettre de replonger dans ma dépendance.

Car, oui, je l’avoue, j’ai l’intention de laisser mon addiction reprendre le dessus sur moi. Un mois à me refuser ce « fix » dont j’avais besoin n’aura pas suffi à me permettre de passer à autre chose. Je n’ai pas la force de continuer.

Oui, demain 1er mars, je vais aller m’acheter… des chips! Et tel un boulimique, j’engouffrerai le sac au complet pour ensuite me sentir coupable. Peut-être oserai-je même acheter des Miss Vickies ou des Ruffles, ce qui impliquerait toutefois de réhypothéquer au prix où ils sont.

Après les 28 jours sans alcool, les 28 jours sans chips. À chacun ses combats…

Pour vrai, j’ai bel et bien fait un 28 jours sans chips, mais vous aurez compris que ce n’était pas réellement l’enfer que je décris ci-haut. Malgré tout, cette petite expérience m’a permis de constater qu’habitué de consommer des croustilles, j’y pensais régulièrement, un peu à l’image d’un fumeur qui ne songe qu’à sa prochaine cigarette.

Assis devant la télé : ce serait bon de manger des chips. Je consulte quelques articles en fin de soirée sur mon téléphone : tiens, ce serait pas mal d’avoir quelques chips sous la main. Je finis de diner avec encore un petit creux (ou pas de petit creux) : tiens, des chips auraient été un bon complément!

Si mon cerveau m’envoyait si souvent le signal que les chips sont la huitième merveille du monde, je me dis que ce doit être drôlement difficile de triompher d’une vraie addiction. Lorsque ton corps te réclame avec insistance une substance à laquelle il est accro, céder doit être extrêmement facile.

Ça remet en perspective le véritable combat que mènent les toxicomanes qui tentent de se défaire de leur dépendance. Je ne doute pas que chaque moment de lucidité doive tourner autour d’une lutte à finir avec l’envie d’un « fix ».

Un jour, dix jours, un mois, un an, il n’y a pas de petite victoire dans un tel combat. Chaque jour est un défi colossal.

Comme société, nous avons tendance à regarder de haut les toxicomanes, personnes en situation de dépendance et autres réprouvés. Comme s’il suffisait de se botter l’arrière-train pour passer à autre chose.

Pour plusieurs d’entre nous, le défi 28 jours est à la limite un petit jeu pour tenter de nous défaire d’une mauvaise habitude et nous n’y arrivons même pas. Pour d’autres, c’est le défi 365 jours année après année.

Oui, à chacun ses combats. Certains l’ont plus facile que d’autres et comme aime judicieusement me rappeler mon jeu de Solitaire : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Je crains qu’à bien y regarder, mon défi 28 jours ne soit guère glorieux…


Chaque semaine, un membre de l'équipe de Trium Médias prend parole sur un sujet de son choix. C'est La Jasette de la gazette.

Abonnez-vous à nos infolettres

CONSULTEZ NOS ARCHIVES