Faits divers

Temps de lecture : 3 min 17 s

Justice et santé mentale : « La prison ne règle rien »

Le 13 décembre 2016 — Modifié à 00 h 00 min le 13 décembre 2016
Par

SANTÉ. Les tribunaux font souvent face à des accusés ayant une problématique de santé mentale pouvant aller de la schizophrénie à la dépression. Parfois, ces gens manquent de ressources, se retrouvent devant les tribunaux pour un écart de conduite et prennent le chemin de la détention. Est-ce que la prison est nécessairement le bon endroit afin d’aider ces personnes?

Dans le cadre de sa profession, l’avocat Francis Boucher a été témoin de plusieurs personnes, avec une problématique de santé mentale, faire face à la justice.

« Dans certains cas, il est évident que l’aide est une possibilité à considérer. Par contre, le problème demeure que lorsque nous sommes en présence du système judiciaire, nous sommes dans une bulle et nous oublions tout ce qui existe. Il n’y a plus d’hôpitaux et plus de curatelle. La seule solution devient la détention », mentionne Me Boucher.

Les gens souffrant d’une maladie mentale et qui se retrouvent devant la justice ne reçoivent pas l’aide du ministère de la Justice, du ministère de la Santé et des Services sociaux, ni du ministère de la Sécurité publique, et ce, de manière conjointe. Ainsi, chaque ministère travaille de manière indépendante.

« Il y a peut-être le fait qu’on ne veut pas voir. C’est peut-être plus simple parfois de donner une sentence et de laisser la sécurité publique s’arranger, plutôt que de s’arrêter et de se demander ce qu'il est possible de faire afin de l’aider. Dans les cas de santé mentale, l’autocritique est souvent absente, alors certains accusés ne voient pas l’obligation d’obtenir de l’aide. Ils ne voient pas qu’ils sont en difficulté. C’est également l’une des grosses problématiques, car s’ils ne veulent pas s’aider, on ne les aidera pas. On aide ceux qui veulent de l’aide, mais on ne sort pas de leur contemplation ceux qui en auraient également besoin. Si personne ne motive ces gens-là à demander de l’aide, la problématique va perdurer et on va les revoir devant à la justice. C’est une roue qui tourne et il faut peut-être la casser », mentionne Me Francis Boucher.

La prison comme solution?

Dans certains cas, la prison n’est pas la meilleure solution.

« Le problème actuel, c’est que la prison ne règle rien dans les cas de santé mentale. Dans le cas de ces personnes, qu’il passe 2 ou 10 ans en détention, le problème va rester le même. Ces gens ont besoin de repères afin d’être fonctionnels avec trois repas par jours et des horaires fixes, mais ce n’est pas drôle d’envoyer les cas de santé mentale en détention afin de pouvoir leur offrir cette stabilité.

Le système judiciaire place quelques fois ces gens dans des situations qu’ils ne peuvent comprendre.

« On doit également se demander si ces gens ne veulent véritablement pas s’aider ou s’ils ne comprennent pas la situation. Parfois, on les plonge dans des situations qu’ils ne peuvent pas saisir. On demande à des gens qui ont des problèmes de santé d’avoir le même niveau de vie que nous. Quand même, nous parfois, nous avons des manquements. Par contre, s’ils sont dangereux, la seule solution est peut-être la prison.

Il est très complexe de donner de l’aide. Si les centres de détention ne peuvent pas les aider, il est parfois bien plus difficile d’obtenir de l’aide dans la société.

« Il est également difficile de trouver de l’aide si l’individu a un problème de consommation. L’hôpital ne veut pas le soigner, car il y a une problématique de consommation et la thérapie ne veut pas l’aider à régler ses problèmes de consommation, car il y a une problématique de santé mentale. Donc, c’est à nous comme avocat de trouver des ressources. Laissez-moi vous dire que trouver une thérapie, nous n’apprenons pas ça au Barreau. Mais si nous ne le faisons pas, personne ne va le faire », souligne Me Boucher.

Bien plus que la santé mentale

« Dans un contexte de coupures budgétaires où chaque ministère a des budgets réduits et des enveloppes pour des secteurs déterminés, je ne pense pas que l’un d’entre eux va accepter de partager son enveloppe afin de régler le problème des autres », souligne l’avocat.

« Comme avocat, on se bute régulièrement à des problématiques. Juste pour obtenir de l’information dans un dossier, il nous faut des procurations. C’est complexe, car c’est gouvernemental. Même si l’accusé est devant moi, personne ne veut nous parler. Personne n’ose venir témoigner à la cour. Personne ne veut donner une opinion »

Dans un contexte avec des ressources limitées, est-ce qu’une solution pourrait être envisageable? Aux dires de l’avocat, le simple fait de conscientiser les gens afin que la société prenne le temps de comprendre la problématique, mais également qu’elle tente de comprendre les gens avec des problématiques de santé mentale serait un début.

Abonnez-vous à nos infolettres

CONSULTEZ NOS ARCHIVES