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Des scènes qui ont de quoi ébranler

Jean Tremblay
Le 10 mars 2023 — Modifié à 09 h 16 min le 10 mars 2023
Par Jean Tremblay - Journaliste

Lors de son séjour en Ukraine, Sébastien Boivin a réalisé un tournage à Yahidne, où 350 prisonniers ukrainiens ont passé 25 jours dans le sous-sol d’une école à la noirceur, sans électricité, privés d’eau et de nourriture et même d’un accès à une toilette. Dix-sept personnes y ont perdu la vie. Un endroit qui a ébranlé le caméraman.

« Quand les Russes sont arrivés à Yahidne, ils ont fait sortir à l’extérieur de leur résidence tous les citoyens pour les amener dans cette prison improvisée. En cas de refus de les suivre, on les abattait sur place », raconte Sébastien Boivin.

« Ils étaient à 30 centimètres l’un de l’autre à dormir sur le sol. Parfois, les Russes leur donnaient un bidon d’eau pour s’abreuver et des rations de nourriture séchée destinés aux militaires pour se nourrir. »

Camp de concentration

« Nous avons eu le privilège de visiter cet endroit. Tout est demeuré intact. Un des prisonniers de l’époque nous a montré la chaise où il a dormi pendant près d’un mois à la noirceur totale, sans bouger. C’était comme un camp de concentration. »

Les prisonniers, sans toilett,e devaient faire leurs besoins dans des sceaux de cinq gallons qu’ils déplaçaient dans une section de leur prison.

« Dans l’une des classes au sous-sol, ils ont inscrit sur un calendrier le nom des gens décédés. Sept d’entre eux qui ont essayé de sortir se sont fait abattre à l’extérieur. Les Russes remettaient les corps dans le sous-sol et des prisonniers qui devaient les empiler », raconte avec beaucoup d’émotion le caméraman.

« Dix autres prisonniers sont morts de suffocation tellement l’air était rare et vicié. »

Vivre sous les bombes

L’un des autres tournages qui a marqué le séjour de Sébastien Boivin fut réalisé à Kharkiv (480 Km à l'Est de Kiev ), une ville de 1,5 million d’habitants (avant la guerre) qui est bombardée chaque jour.

« À 23h, lorsqu’on coupe l’électricité, il fait noir comme en forêt. Même les lampadaires des rues sont fermés. À ma première nuit, vers 12h30, j’ai entendu une sirène indiquant un bombardement qui s’en vient. Là, j’ai pogné un deux minutes. J’ai réalisé que j’étais vraiment ailleurs. Chaque nuit, on entend de trois à quatre sirènes dans une noirceur totale. »

Le surlendemain l’équipe se rend à Koupiansk, située à 120km de Kharkiv et à seulement 10km du front et de la zone de guerre.

« On nous avait préparés à des risques de bombardement. Mon directeur de l’information m’avait même dit que si je n’étais pas prêt psychologiquement, de ne pas m’y rendre. On a décidé d’y aller avec nos vestes pare-balles. »

Des bombes explosent sans arrêt

« On a vécu des moments intenses. En l’espace de 15 minutes, on doit franchir quatre barrages de l’armée ukrainienne. À part l’aide humanitaire et les gens des médias, personne n’y entre. Finalement, c’est unique ce à quoi j’ai eu droit. »

« L’adrénaline était au plafond. Dès qu’on sort de l’auto, on entend des bombes au loin. Sans arrêt, il en explose chaque 30 à 60 secondes. On a tourné à cet endroit pendant trois heures et ça n’arrêtait jamais. »

Une ville détruite

« Au début de la guerre, 25 000 personnes résidaient à Koupiansk. Il en reste environ 1 000. Tout est détruit : les ponts, les commerces, les maisons, le centre-ville. Les gens n’ont plus d’endroit pour se nourrir. Ils doivent se rendre à une soupe populaire pour survivre. Ils ne savent pas où aller. Ils vivent jour et nuit à entendre des missiles frapper la ville. »

Le caméraman, natif de Roberval, de retour au pays depuis le 27 février, a constaté sur le terrain que l’être humain a la capacité de s’adapter à toutes les situations même celles de la guerre.

« Il vient un temps où tu n’entends même plus les bruits des bombes qui explosent. Même dans cet environnement, c’est incroyable. On est fait ainsi », conclut-il.

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