Cumulant près de 50 ans d'expérience en apiculture, Peter Keating est conscient que les temps ont bien changé depuis ses tout débuts dans le domaine.
Située dans le rang 3 à Saint-Prime, l’entreprise APILAC vend son miel et offre ses services apicoles depuis plusieurs années déjà. Rencontré sur place, l’apiculteur d’origine britannique Peter Keating vit au Canada depuis 1983 et est Jeannois d’adoption depuis plus de 25 ans.
« Je suis né dans le sud de l’Angleterre et j’ai déménagé en Irlande, puis ensuite au Canada, où j’ai étudié l’apiculture dans l’ouest. C’est gros l’apiculture là-bas. »
Travail difficile
Le septuagénaire affirme être encore passionné, même si le nombre de ruches qu’il entretient a passablement diminué avec les années pour atteindre une cinquantaine. Parmi les facteurs nuisibles, il cible entre autres le varroa, une espèce d'acariens parasites.
« Les acariens viennent très vite résistants aux pesticides. C’est arrivé à tous les apiculteurs au Québec. Nous avons perdu plus de 60 % des ruches il y a une douzaine d’années. »
De plus, les abeilles jouent un rôle essentiel dans la pollinisation des bleuetières. Cependant, Dame nature étant ce qu’elle est, le climat du nord du Lac n’aide pas toujours les apiculteurs dans leur travail.
« Ici au lac, ce n’est pas la place idéale pour l’apiculture, car l’hiver est très long. On n’a pas beaucoup de marge de manœuvre. »
Celui qui offre ses services-conseils en apiculture en Afrique et aux Philippines croit que pour en vivre à temps plein, une entreprise doit gérer au minimum entre 300 et 400 ruches. De plus, la location de ruches à des fins de pollinisation peut garantir un certain revenu, et ce, peu importe la météo.
Miel et chandelles
Même si l’entreprise a diminué la quantité de miel produite annuellement, Peter Keating affirme être encore distribué chez certains marchands locaux. Il croit d’ailleurs aux bonnes vertus de son produit.
« C’est un sucre naturel, comparativement au sucre blanc. C’est assimilé très vite. Il y a des types de miels aussi aux propriétés médicinales. »
Pour ajouter à la mise en valeur du miel, l’apiculteur fabrique aussi des chandelles.
« Avec la cire, j’envoie ça à un ami à Saint-Hyacinthe qui la nettoie et je fais des chandelles avec. On peut aussi fabriquer des savons et ça va dans la fabrication de certains cosmétiques. On peut même la réutiliser en apiculture. »
Danger : pesticides
La disparition des abeilles préoccupent les apiculteurs de partout dans le monde. Parmi les facteurs pointés du doigt, on retrouve les mauvaises conditions météorologiques en hiver et au printemps, la présence de parasites nuisibles comme le varroa et surtout, les néonicotinoïdes.
Insecticides les plus vendus dans le monde, les néonics sont considérés par plusieurs comme l’ennemi numéro 1.
Alors que Santé Canada reconnaît que l’utilisation des néonicotinoïdes favorise le déclin des abeilles, le ministère de l’Environnement du Québec a accordé récemment une dérogation aux agronomes pour prescrire des semences de maïs enrobées de néonicotinoïdes.
APILAC
Pour Peter Keating, apiculteur depuis près de 50 ans, la situation est inquiétante.
« C’est plein de pesticides! Depuis la Seconde Guerre mondiale, tous les agriculteurs ont arrosé partout, partout! Ils ont analysé des fruits et légumes biologiques, et ils en ont trouvé dedans. Selon moi, il faut arrêter d’empoisonner tout le monde. »
« Je n’ai jamais été d’accord avec les pesticides. Même si je respecte le cahier de charge du biologique, je ne suis pas accrédité. Le problème est qu’il faut que toutes les fleurs autour soient biologiques aussi .»
Il croit que l’on aurait tout avantage à revenir à une agriculture plus traditionnelle, comme celle pratiquée en Afrique.
« Je trouve que le système d’agriculture là-bas est basé sur l’ancien système: une production locale qui est ensuite vendue au marché. C’est beaucoup plus durable qu’ici. Par contre, on ne peut pas retourner en arrière et demander ça aux agriculteurs, d’abandonner leur gros tracteur pour un cheval! »
Fédération des apiculteurs du Québec
Selon Julie Fontaine, présidente du comité des pesticides au sein de la Fédération des apiculteurs du Québec, l’utilisation de pesticides de manière préventive au moment du semis est très problématique.
« Ça fait 15 ans que l’on travaille là-dessus et ça fait 15 ans qu’on dit la même chose : qu’il faut réduire l’utilisation des pesticides. 96% des enrobages de pesticides ne sont pas nécessaires, et ça fait 15 ans qu’on demande aux semenciers d’offrir une alternative.»