Mardi, 10 décembre 2024

Chroniques

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Les Indispensables

Le 22 août 2024 — Modifié à 07 h 00 min le 22 août 2024
Par Roger Lemay

Les plus âgés d’entre nous s’en souviendront peut-être. L’événement remonte à janvier 1987. Le député conservateur de Roberval de l’époque, Benoit Bouchard, a alors créé une petite commotion en déclarant que : « le Saguenay- Lac-Saint-Jean est une enclave francophone protégée depuis longtemps et non dérangée par l’immigration... »

Une déclaration pour le moins surprenante, d’autant que M. Bouchard était alors ministre de l’Emploi et de… l’Immigration. Ai-je besoin de mentionner que cela a fait bondir les gens de sa circonscription et donné des armes à l’opposition libérale ? Benoit Bouchard a rapidement rectifié le tir, plaidant une « erreur de termes ou de mots ». Au lieu du terme dérangé, il aurait, selon ses dires, voulu plutôt illustrer que la région n’avait pas été encore « perturbée » par l’arrivée massive d’immigrés.

Je connais un peu M. Bouchard, l’ayant interviewé à quelques reprises. J’ai pour lui le plus grand respect. Un homme honnête, accueillant, droit, chaleureux. Des mots qui sortent un peu vite, ça arrive, surtout en politique. Vous souvenez- vous d’une autre déclaration croche, sortie de la bouche d’un autre Bouchard, Lucien cette fois, qui, en pleine campagne référendaire, a déploré dans un discours que les Québécois constituaient: « le peuple de race blanche faisant le moins d’enfants », des propos qui heureusement pour lui ne lui ont pas collé à la peau.

Bref, c’est le genre de constats qui ne passeraient plus en 2024, d’autant plus que les personnes issues de l’immigration sont considérées désormais comme notre avenir. Ni plus ni moins. Le visage du Saguenay-Lac-Saint-Jean change à vitesse grand V, on le constate à la banque, au dépanneur, dans nos usines. Le Saguenay et le Lac-Saint-Jean deviennent multiethniques.

Et puis il y a les travailleurs étrangers temporaires. Dans le contexte de la pénurie de main-d’oeuvre, ceux-ci sont essentiels pour de nombreux employeurs mais malheureusement, trop souvent, ils ne reçoivent pas la considération qu’ils méritent. J’ai été témoin d’injustices flagrantes. Exemple, des travailleurs latinos, employés d’un équipementier de Saguenay, qui reçoivent bien moins en salaire que leurs collègues québécois pour l’exécution du même boulot, des mêmes tâches. Comment cela se peut-il ?

Un ami à moi, venant de la Colombie, est même chef d’équipe et son tarif horaire est en dessous de celui des travailleurs dont il a la responsabilité. Que fait son syndicat lui ai-je demandé. Il a répondu en haussant les épaules, un peu gêné. J’ai compris que le syndicat était complice de l’injustice. Comment peut- on laisser faire ? Dans le contexte de la pénurie de main-d’oeuvre, les travailleurs étrangers sont essentiels pour de nombreux employeurs. Ils sont parmi nous et tentent tant bien que mal de s’intégrer. Et parfois victimes d’iniquités, ils n’osent faire valoir leur droit.

Juste au cours des deux dernières années, 360 entreprises du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont recruté un peu plus de 2500 travailleurs étrangers. Et oui, rien que pour les deux dernières années. Vous pensez que c’est beaucoup ? Selon les prévisions des experts, pour maintenir la croissance actuelle, notre région aura besoin d’environ 10 000 nouveaux citoyens au cours des 10 prochaines années, peut-être davantage.

On peut bien envoyer la balle aux gouvernements, mais supporter nos nouveaux concitoyens, ça passe d’abord par l’engagement de chacun d’entre nous. Je conclus en paraphrasant Kennedy: ne te demande pas ce qu’ils peuvent faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour eux.

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