Vous êtes en vacances? Il fait parfois 30 degrés mais vous n’avez pas de chalet, ni de piscine, parce que vous habitez un 4 et demi dans un immeuble à logements? Pourtant, vous aimeriez bien aller vous rafraichir dans un point d’eau, dans un lac à proximité, à quelques minutes, sans avoir à payer un droit d’entrée? Comme dans le temps? La belle époque de la nature sauvage? Oubliez ça, cette ère est révolue. Nos lacs, nos rivières, notre patrimoine bleu est désormais contrôlé par les propriétaires riverains qui ne souhaitent surtout pas vous voir passer dans leur cour. Pourtant, nos plans d’eau demeurent un bien collectif, une propriété publique, qui appartiennent à tous. Mais nos lacs sont devenus inaccessibles, étranglés par l’aménagement immobilier sur leurs rives. Depuis une ou deux décennies, les «bords de l’eau» obtiennent la faveur des investisseurs et leur appropriation s’effectue à un rythme effréné. Vous avez été témoin de la flambée du prix des maisons au Saguenay-Lac-Saint-Jean? Vous avez vu tripler le prix d’un petit bungalow dans un quartier moyen au cours des derniers 15 ans? Eh bien pour un chalet, c’est bien pire, le prix a quintuplé…
Dans les années 50, 60, 70 et même 80, il était possible de partir de Chicoutimi, de Jonquière, d’Alma, pour d’aller se baigner, absolument gratuitement, dans un de nos lacs à proximité. Il y avait des endroits accessibles partout, des coins encore sauvages, des vieux quais abandonnés, des terrains vagues, des plages et des îles désertes qui n’appartenaient à personne, donc à tout le monde, et toute une jeunesse s’y rassemblait pour y passer un bon moment, souvent tout un été d’insouciance. Pour les plus de 50 ans qui lisent ces lignes, vous avez sûrement en tête le souvenir de lieux où vous alliez à vélo, en moto, ou en faisant en famille un «tour de machine», pour aboutir sur un rivage, le temps de «se saucer».
C’était bien avant l’occupation excessive du littoral de nos plans d’eau. Aujourd’hui, essayez donc d’aller nager et faire des longueurs dans un lac à proximité. Il y a des propriétés partout, sans accès aux lacs. Facile à dire après coup, mais il y a eu au Québec un manque flagrant de vision, ou plutôt d’anticipation de ce qui allait se passer. Les lacs du Québec, au fil des décennies, ont été entourés de chalets, qui sont depuis devenus des résidences principales, souvent des domaines, mais qui encerclent les points d’eau sans possibilités d’y avoir accès pour les baigneurs. Et les propriétaires riverains en sont venus à avoir l’impression que le lac leur appartient dans son entièreté. Mais il n’en est rien. Leur terrain s’arrête là où l’eau commence. Sauf qu’il n’y a pas (répétons-le) d’accès public à l’eau. On ne peut quand même pas louer un hélicoptère pour se faire parachuter en plein milieu du lac! La mesure qui aurait dû être adoptée depuis belle lurette est la suivante, selon moi: autour de chaque plan d’eau (disons à chaque demi-kilomètre de rivage pour donner un exemple), le gouvernement aurait dû conserver des endroits non disponibles à la vente, des emplacements, sur les rives, aménagés ou non, mais accessibles à tous les citoyens.
Vous me direz qu’il y a aujourd’hui des plages publiques, des parcs publics, des piscines publiques. Moi je vous parle de lacs sauvages, gratos, où l’on se sent seul au monde, non entourés par des familles d’enfants criards avec chien ou de mononcle qui nous impose sa musique d’avant-guerre. Des plans d’eau dans lesquels il est possible de nager un kilomètre sans être dérangé. Des gens croient qu’il est possible d’aménager des corridors de nage en ville. Ce serait déjà un bon début. Il me semble avoir déjà entendu une fois Pierre Lavoie et mon ex-collègue de Radio-Canada Jean-Pierre Girard (un mordu de nage en eau libre et en piscine) émettre l’idée d’installer des corridors de nage, délimités par des chaines de flotteurs comme en piscine olympique, dans le Saguenay à la zone portuaire et sur la rivière au Sables près de Place Nikitoutagan. Cette place sera refaite l’an prochain, autant y penser tout de suite non?
Allez, bonne plonge!