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Mort inhabituelle de plusieurs orignaux en périphérie de la Pointe-Taillon

Yohann Harvey Simard
Le 05 novembre 2022 — Modifié à 13 h 38 min le 05 novembre 2022
Par Yohann Harvey Simard - Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Un nombre anormal d’orignaux morts a été retrouvé en périphérie du parc national de la Pointe-Taillon à l’hiver et au printemps 2022. Plusieurs facteurs, dont la tique d'hiver, sont en cause.

Parfois 30, parfois 42, de nombreuses rumeurs ont circulé depuis quant au nombre exact de bêtes décédées.

« Selon les informations dont je dispose, il y aurait entre 12 et 15 carcasses qui ont été retrouvées dans la zone périphérique du parc, et une seule dans le parc », affirme Claude Pelletier, biologiste responsable du service de la conservation et de l'éducation au parc national de la Pointe-Taillon. Il précise que la zone périphérique s’étend de Saint-Ludger-de-Milot à la rivière Grande-Décharde, en passant par la Pointe-Taillon et L’Ascension.

Le biologiste mettra bientôt la main sur le bilan de la dernière saison de chasse. Mais déjà, il s’attend à ce que les mortalités survenues l’hiver dernier aient eu un impact sur le nombre de prises, probablement moindres que par les années précédentes.

« S’il y a eu moins de captures, ça veut probablement dire que la population a diminué. C’est très certainement la tendance qu’on va observer, il faudra juste voir dans quelle proportion exactement. »

Le cheptel du parc de la Pointe-Taillon et de sa périphérie est estimé à environ 100 individus.

Causes

Selon Claude Pelletier, informées par des citoyens de la mort inhabituelle de plusieurs orignaux, les autorités gouvernementales ont commencé à effectuer des nécropsies sur les carcasses qui ont pu être retrouvées.

Si aucune cause immédiate et évidente n’a pu être identifiée, il semble que les décès soient attribuables à un ensemble de facteurs concomitants.

« D’abord, les animaux examinés étaient en faible état de chair. Ils étaient maigrichons et donc mal préparés pour l’hiver. Ensuite, ils étaient aussi très affectés par la tique d’hiver, qui perturbe fortement l’orignal : ça va prélever du sang et faire en sorte que l’orignal se gratte beaucoup alors qu’il devrait s’occuper à s’alimenter ou à s’abriter. Ça peut aussi faire en sorte qu’il perde des plaques de poils, et qu’il perde donc beaucoup de chaleur. »

À cela s’est ajoutée la rigueur de l’hiver dernier, considérablement plus froid et neigeux que dans les dernières années.

« Ce sont des facteurs qui s’additionnent dans le cas de l’orignal. Ça lui demande une plus grande dépense d’énergie pour se réchauffer, et la neige abondante au sol rend ses déplacements difficiles, ce qui rend l’accès aux sources de nourriture plus difficile aussi. »

Un lien hypothétique avec les coupes forestières 

Par ailleurs, Claude Pelletier suggère que la malnutrition dont semblait souffrir plusieurs des orignaux retrouvés morts en périphérie du parc national de la Pointe-Taillon l’hiver dernier aurait un lien avec la capacité nourricière insuffisante du territoire.

« On sait que le territoire du parc (92 km²) n’est pas suffisant pour subvenir à tous les besoins des orignaux. Ils doivent aller piger dans des zones autour du parc pour compléter leurs cycles de vie. »

Or, précise le directeur du parc national de la Pointe-Taillon, François Guillot, « énormément » de coupes à blanc ont été réalisées au cours des deux dernières années dans les secteurs de Sainte-Monique et de Péribonka, créant ainsi une coupure du couvert forestier entre le parc et sa périphérie.

« C’est certain que ça a énormément diminué la connectivité des forêts environnantes, ce qui n’est pas une bonne nouvelle. Ça peut nuire aux déplacements, et donc aux populations. Les orignaux peuvent quand même se déplacer quand il n’y a pas de couvert forestier, mais c’est beaucoup plus risqué pour eux et ils aiment moins ça. »

En contrepartie, François Guillot rappelle que les coupes forestières entraînent éventuellement la prolifération de jeunes pousses, ce dont raffolent les orignaux.

Une grande partie de la Pointe-Taillon est recouverte de tourbières, un environnement où les orignaux peuvent difficilement prospérer.

Étude

Claude Pelletier se garde pour le moment d’établir une corrélation claire entre le manque de nourriture et les coupes forestières.

Toutefois, ce dont il est certain, c’est « qu’un peu plus que la moitié du territoire du parc de la Pointe-Taillon n’est pas un habitat favorable à l’orignal. En fait, la moitié de la Pointe-Taillon, c’est une grande tourbière. L’orignal, il ne se retrouve pas là-dedans : il n’y a pas d’habitats couverts ni de lieux d’alimentation favorables pour lui. Alors, il y a vraiment un échange important entre la zone du parc national et la zone périphérique, qui fournit le domaine vital des orignaux qui sont présents dans le coin. »

Il affirme que le parc national de la Pointe-Taillon souhaite déterminer plus précisément « comment l’extérieur et l’intérieur du parc peuvent contribuer à maintenir une population d’orignaux et à fournir les différents éléments requis pour le maintien de la population. »

Une étude sera menée à cet effet au cours des prochaines années.

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