J’ai écrit quelques fois depuis l’élection de Donald Trump sur ce qui se passe aux États-Unis, parce que ce qui s’y joue dépasse largement leurs frontières. Les failles qui s’y creusent nous concernent aussi, et nous inquiètent.
Dernièrement, ma mère m’a offert le livre C’est aussi ça, l’Amérique, du journaliste Frédéric Arnould. (Dédicacé hihu merci môman) Je vous en parle parce que c’est une lecture essentielle pour quiconque s’intéresse à ce qui se passe au sud.
Ce n’est pas une analyse froide, c’est un vrai voyage. Un recueil de visages, d’accents, d’inquiétudes et de convictions rencontrés aux quatre coins du pays. Armes à feu, avortement, religion, justice, désinformation: les sujets ne manquent pas. Mais ce que le livre montre surtout, c’est à quel point ces enjeux divisent cette population qui ne semble même plus habiter le même pays ni parler le même langage.
Frédéric Arnould ne cherche pas le choquer. Il écoute et laisse la parole à ceux et celles qu’il croise, tous camps confondus.
Une phrase m’a marquée, celle de Barbara McQuade, ancienne procureure fédérale, qui parle du climat de désinformation actuel : « La propagande existe depuis toujours. Mais il fut un temps où elle avançait lentement, par le bouche-à-oreille... Aujourd’hui, il suffit d’un clic pour propager un mensonge à des millions de personnes.»
On évoque aussi la recette bien connue pour faire passer un mensonge pour une vérité : répétition, répétition, répétition. Et ça marche.
Les faits deviennent flous, la vérité se fragmente en une foule de récits qui s’affrontent. La démocratie souffre.
En toile de fond, le livre aborde plusieurs éléments souvent méconnus qui jouent pourtant un rôle central dans cette polarisation: le système électoral américain lui-même. Et un de ces aspects, c’est le gerrymandering.
Si ça ne vous dit rien, retenez juste que c’est une façon parfaitement légale de redessiner les cartes électorales pour avantager un parti en place. Résultat: on peut rafler une majorité de sièges sans avoir la majorité des voix. Certaines circonscriptions ont des formes carrément absurdes, dessinées pour maximiser les votes d’un côté et diluer ceux de l’autre. Le mot vient d’ailleurs de là: un mix du nom Elbridge Gerry et du mot salamander, à cause de la forme tordue d’un des premiers découpages.
Le système des grands électeurs aussi soulève bien des questions. Ce ne sont pas les citoyens, directement, qui élisent le président, mais ces fameux grands électeurs. Ce qui fait qu’un candidat peut devenir président même s’il a perdu le vote populaire. Et ce n’est pas théorique, c’est déjà arrivé. Une autre couche d’injustice qui alimente la colère, le désengagement, le cynisme.
Lisez ce livre-là, c’est un incontournable si vous suivez la politique américaine. Il aide à comprendre ce qui a mené à la situation actuelle.
Et, j’y ai vu un avertissement. Ce qui se passe là-bas, c’est pas juste un film qu’on regarde de loin. Ça nous montre ce qu’il faut surveiller ici. Pour ne pas dire, plus tard, qu’on n’a rien vu venir.